Jean-Marie Simon, architecte, Directeur du CAUE 54
Avec l'installation de bases américaines de l'OTAN dès 1950, il s'agit de loger les familles des militaires. Ils y resteront jusqu'à 1967.
Or, après la Seconde Guerre mondiale, une sévère crise du logement sévit en France. L'état souhaite que ces militaires ne logent pas sur les bases elles-mêmes et les nécessités d'une éventualité que les soldats américains doivent rejoindre leur base rapidement conditionnent qu'ils logent à une distance déterminée.
C'est ainsi que les villages américains vont être créés. Leur construction et leur financement par des sociétés sont intégralement français.
Certaines municipalités y voient une opportunité pour leur cité alors que d'autres sont plus récalcitrantes. À Toul, le maire Pierre Schmidt est favorable à leur implantation et s'active pour trouver rapidement un terrain. Ces villages sont édifiés légèrement à l'écart des villes qui les accueillent. À Toul, il s'agit de Régina village et de la cité Saint-Michel de part et d'autre de la route de Verdun. La ville-haute n'existe pas encore. Les militaires sont stationnés sur la base de Rosières.
Jean-Marie Simon ne s'est pas cantonné à décrire les deux villages de Toul, mais également ceux de la région, que ce soit, entre autres, Toulaire à Liverdun, Bois-le-Duc à Vandoeuvre, les Clairs Chênes à Étain, Pershing et Lafayette à Chaumont, sans oublier la cité canadienne de Longuyon, pour n'en citer que quelques-uns.
Ces villages sont de taille variable, les plus petits ne comportant qu'une trentaine de maisons.
Les pavillons, indépendants ou mitoyens, sont de bonne qualité, équipés du confort américain, de plain-pied, sans sous-sol ni grenier. Il n'y a pas de garage non plus : la rue large y accueillant le stationnement des véhicules.
Perspective axonométrique d'un pavillon
(Source : archives du musée de Toul)
(Source : archives du musée de Toul)
Depuis, les parcelles ont été définies pour chaque résidence. Les villages ont conservé leur authenticité. Quelques aménagements paysagers portent sur les clôtures, des plantations et aménagements des jardinets remplaçant les espaces ouverts engazonnés des Américains. Garages et vérandas ont été ajoutés.
Les abords se sont urbanisés.
Localisation des deux villages américains de Toul,
de part et d'autre de l'avenue J.F. Kennedy
(Source IGN/Géoportail)
Régina-village et la cité Saint-Michel via Google street-view
de part et d'autre de l'avenue J.F. Kennedy
(Source IGN/Géoportail)
Régina-village et la cité Saint-Michel via Google street-view
NB : malgré leur bref passage d'une quinzaine d'années sur le territoire du N.E. de la France, la présence des "Ricains" reste ancrée dans la mémoire des anciens. C'est l'époque des cigarettes américaines, du chewing-gum et du formica ; des grosses voitures rutilantes, des bars américains et de la M.P. à côté des gendarmes français. C'est aussi l'époque où fleurissait sur les murs le slogan "US GO HOME" des sympathisants communistes et des pacifistes.
Les Américains avaient leurs propres écoles et des échanges avec les établissements scolaires français soulignaient les grandes différences d'éducation, ne serait-ce que par la mixité, encore très rare dans les lycées français.
Des mariages mixtes ont eu lieu et, après 1967, des femmes françaises ont suivi leur époux en Allemagne et aux États-Unis.