Si l'or noir reste est cher au cœur des tintinophiles et l'or jaune aux amoureux de la mirabelle lorraine, l'histoire a presque oublié l'or bleu qui fit pourtant la fortune du pays d'Amiens aux XIIe et XIIIe siècles. À une époque où la couleur bleue, rarissime car très difficile à obtenir, était parfois associée au diable -avant que la vierge Marie ne l'en dépossède- tant sa fabrication semblait relever du sortilège, les champs de Picardie se couvrirent de Guède (ou waide), -parfois improprement appelée "pastel" une plante déjà bien connue dans l'Antiquité et que Pline comparait à ... de la salade. Arrivées à maturité, les feuilles, cassantes comme du verre, étaient coupées, mises à sécher et pétries en boules qui pouvaient alors être proposées à la vente sur les étals des marchés, ou chargées sur de longs bateaux plats pour être exportées. Une fois durcies, les boules dites "coques" étaient broyées, et laissaient échapper -dans des odeurs hélas pestilentielles- la substance magique d'où pourrait naître une teinture bleue sans pareille.
Et c'est ainsi qu'une simple "salade" (dixit Pline) fit la fortune de quelques gros négociants wadiers qui, bons princes -on n'est jamais trop prudent en prévision de l'au-delà- investirent une partie de leurs écus dans la construction de la cathédrale d'Amiens, la plus vaste de France. À l'exception d'un seul, les vitraux représentant la culture et le travail de la guède ont hélas disparu.
En revanche, Saint Nicolas, dont les Lorrains auraient peut-être tendance à s'accaparer un peu vite, est omniprésent, puisqu'il est patron non seulement des enfants mais aussi des mariniers. Dans leurs prières, les wadiers picards lui confiaient le soin de veiller particulièrement sur leurs précieuses cargaisons...
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